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7. Le CPAS peut-il m’obliger à réclamer l’aide de mes débiteurs alimentaires ?

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1) Qui sont mes débiteurs alimentaires ?

Vos débiteurs alimentaires sont les personnes qui doivent vous permettre de vivre en vous donnant des moyens de subsistance, c’est-à-dire :

  • votre hébergement ;
  • votre entretien ;
  • votre santé ;
  • votre surveillance ;
  • votre éducation ;
  • votre formation ;
  • votre épanouissement.

Concrètement, ces personnes sont :

  • vos parents (y compris vos parents adoptifs) ;
  • vos enfants (y compris vos enfants adoptifs) ;
  • votre conjoint ou conjointe ;
  • votre ex-conjoint ou ex-conjointe, si cette personne vous doit une pension alimentaire.

Cette liste est limitative. Cela signifie que personne d’autre n’est votre débiteur
alimentaire. Le CPAS ne peut pas vous renvoyer vers vos grands-parents ou vers
votre partenaire, par exemple.

 

2) Si je demande le RI, le CPAS peut-il m’obliger à demander de l’aide à mes débiteurs alimentaires ?

Oui, il peut le faire mais seulement dans certains cas.

Le CPAS n’est jamais obligé de vous dire de demander de l’aide à vos débiteurs alimentaires.

Le CPAS peut vous obliger à demander de l’aide à vos débiteurs alimentaires uniquement si le CPAS pense que :

  • c’est nécessaire ;
  • et c’est possible (p. ex. vos débiteurs alimentaires ont assez de ressources) ;
  • et cela ne va pas nuire à vos relations avec votre famille.

Si une de ces conditions n’est pas remplie, le CPAS ne peut pas vous obliger à demander l’aide de vos débiteurs alimentaires. Cela s’appelle « l’abandon du renvoi vers les débiteurs alimentaires ».

Si le CPAS pense que les conditions sont remplies et que vos débiteurs alimentaires peuvent et doivent vous aider, le CPAS a 3 options :

 

1. Vous dire de demander de l’aide à vos débiteurs alimentaires.

Dans ce cas, le CPAS doit vous donner toutes les informations utiles pour vous permettre de réclamer vos droits à l’égard de vos débiteurs alimentaires.

IMPORTANT : Plusieurs juges considèrent que lorsque le CPAS vous oblige à demander l’aide à vos débiteurs d’aliments, le CPAS ne peut pas refuser de vous payer le revenu d’intégration (RI) en attendant que vous demandiez et obteniez cette aide. Ces juges considèrent que le CPAS doit vous payer le RI ou un RI partiel en complément de l’aide financière que vous pouvez espérer obtenir auprès de vos débiteurs d’aliments.

 

2. Demander lui-même l’aide à vos débiteurs alimentaires à votre place.

Si vous ne pouvez pas demander vous-même l’aide de vos débiteurs alimentaires (p. ex. parce que vous êtes en conflit avec eux ou parce que vous avez des difficultés psychologiques) mais que le CPAS décide que vos débiteurs alimentaires doivent quand même vous aider, le CPAS doit envisager d’agir à votre place, pour réclamer à vos débiteurs alimentaires l’aide qu’ils vous doivent.

Cela s’appelle la « représentation légale ».

 

3. Demander lui-même à vos débiteurs alimentaires de le rembourser après que le CPAS vous a donné une aide.

Cela s’appelle « la procédure de récupération auprès des débiteurs alimentaires ». Cette procédure doit suivre des règles strictes.

Cette procédure n’est pas possible si vos débiteurs alimentaires n’ont pas de ressources suffisantes et/ou si cette procédure risquerait de nuire à vos relations familiales.

Pour plus d’informations à ce sujet, voyez la question n° 3 ci-dessous.

 

Si vous recevez une petite aide ou pension alimentaire de la part de vos débiteurs alimentaires (p. ex. de la part de vos parents), le CPAS peut décider de vous payer un revenu d’intégration partiel, pour compléter cette aide ou pension alimentaire.

IMPORTANT : Avant de prendre sa décision, le CPAS doit faire une enquête sociale approfondie pour examiner votre situation personnelle et familiale.

L’enquête sociale sert entre autres à vérifier :

  • si vous avez des débiteurs alimentaires ;
  • si vos débiteurs alimentaires sont capables de vous aider ;
  • si demander de l’aide à vos débiteurs alimentaires aurait des conséquences négatives sur vos relations avec eux et sur leur situation.

Pendant l’enquête sociale, vous pouvez demander au CPAS de ne pas vous obliger à demander de l’aide à vos débiteurs alimentaires si :

  • cela abimerait vos liens familiaux (situation financière compliquée, etc.) ;
  • cela créerait ou renforcerait un conflit avec vos débiteurs d’aliments (conflit entre des parents et un enfant, etc.) ;
  • cela nuirait à votre droit de prendre votre autonomie, c’est-à-dire de quitter votre logement familial pour habiter seul (voyez la question n° 6 ci-dessous) ;
  • vos débiteurs alimentaires n’ont pas les moyens de vous aider ;
  • etc.

3) Est-ce que le CPAS peut demander à mes débiteurs alimentaires de lui rembourser l’aide qu’il m’a payée ?

Oui.

Si vous avez reçu le RI alors que vous aviez des débiteurs alimentaires qui pouvaient vous aider financièrement, le CPAS doit demander à vos débiteurs alimentaires de lui rembourser le montant qu’il vous a payé. C’est en principe une obligation du CPAS.

Mais avant de demander à vos débiteurs de le rembourser, le CPAS doit faire une enquête sociale approfondie sur leur situation financière et familiale. Cela lui permet de vérifier :

  • s’il est possible de récupérer le montant de l’aide ;
  • quel montant il peut récupérer.

Si l’enquête sociale montre au CPAS qu’il n’est pas possible de récupérer le montant de l’aide auprès de vos débiteurs alimentaires, vos débiteurs alimentaires ne doivent pas rembourser le CPAS (voyez la question n° 4 ci-dessous).

 

Le CPAS doit respecter une « échelle de récupération », c’est-à-dire un tableau qui prévoit les montants maximums que le CPAS peut récupérer chaque mois auprès de vos débiteurs alimentaires.

Ces montants dépendent :

  • des revenus de vos débiteurs alimentaires ;
  • et du nombre d’enfants que les débiteurs alimentaires ont à charge.

Ces montants changent souvent car ils sont indexés.

Vous trouvez les montants actuels sur le site internet du SPP Intégration sociale (tout en bas).

Attention, le CPAS peut récupérer le montant du RI auprès de vos débiteurs alimentaires uniquement si au moment où le CPAS vous a payé le RI, vos débiteurs alimentaires avaient effectivement une obligation alimentaire à votre égard.

Par exemple, vos parents doivent en principe payer les frais pour votre entretien, votre éducation et votre formation, tant que vous n’avez pas terminé votre formation et que vous ne percevez pas de ressources propres.

Par exemple, vos frères et sœurs n’ont aucune obligation alimentaire à votre égard. Le CPAS ne pourra pas récupérer le RI auprès d’eux.

 

4) Le CPAS peut-il toujours demander à mes débiteurs alimentaires de rembourser l’aide qu’il m’a payée ?

Non.

Le CPAS ne peut pas récupérer le montant du RI auprès de vos débiteurs alimentaires si :

  • suite à l’enquête sociale approfondie, le CPAS conclut que la récupération n’est pas opportune (cela abimerait les liens familiaux par exemple) ; OU
  • les frais de récupération sont plus importants que le montant à récupérer ; OU
  • le CPAS prévoit de payer le RI pour une durée de maximum 3 mois ; OU
  • vos débiteurs avaient des revenus imposables inférieurs à 27.368,47 € (augmenté de 3.851,59 € par personne à charge – montants valables au 1er décembre 2022) l’avant dernière année avant l’année où le CPAS décide de récupérer l’aide.

Par exemple : si le CPAS décide en 2023 de récupérer l’aide qu’il vous a payée, il faut regarder les revenus de vos débiteurs pour l’année 2021. Le CPAS peut récupérer uniquement le montant qui dépasse ces revenus imposables.

Dans ces hypothèses, le CPAS n’a pas de marge de manœuvre. Il ne peut pas récupérer.

Le CPAS peut décider de ne pas récupérer le RI auprès de vos débiteurs alimentaires si vous prouvez des « raisons d’équité ».

Ces raisons sont du même type que les raisons pour lesquelles le CPAS peut vous dispenser de faire appel à vos débiteurs alimentaires (voyez la question n° 6 ci-dessous).

Par exemple :

  • l’impact négatif de la récupération sur vos liens familiaux ou sur votre droit à l’autonomie ;
  • les faibles revenus de votre famille ;
  • l’état de santé des débiteurs alimentaires et des frais médicaux importants ;
  • des dettes ;
  • une rupture de contact avec vos débiteurs alimentaires ;
  • le fait que vos débiteurs alimentaires vous ont déjà beaucoup aidé par le passé ;
  • l’absence totale de lien entre vous et vos débiteurs alimentaires ;
  • etc.

Le CPAS a une marge de manœuvre pour apprécier les raisons d’équité que vous invoquez et pour décider de ne pas récupérer l’aide octroyée pour ces raisons.

 

5) Comment le CPAS récupère-t-il l’aide auprès de mes débiteurs alimentaires ?

Pour récupérer l’aide auprès de vos débiteurs alimentaires, le CPAS doit respecter une procédure spécifique. Cette procédure est obligatoire.

Le CPAS doit tout d’abord vous avertir qu’il va récupérer l’argent auprès de vos débiteurs alimentaires.

Ensuite, il doit envoyer une copie de sa décision de récupération à vos débiteurs alimentaires dans les 8 jours de sa décision.

Il doit y expliquer pourquoi il récupère et comment le montant réclamé est calculé.

Cette lettre doit obligatoirement contenir plusieurs éléments, à savoir :

  • les dispositions légales sur lesquelles la récupération est basée ;
  • le mode de calcul du montant récupéré ;
  • la possibilité pour le CPAS de renoncer à la récupération pour des raisons d’équité, et la procédure à suivre pour faire valoir des raisons de ce type ;
  • la possibilité de demander de payer en plusieurs fois ;
  • la possibilité de présenter une proposition de contribution alimentaire.

Par exemple, le parent chez qui vous vivez propose de vous verser une somme tous les mois.

Après l’envoi de la décision, vos débiteurs alimentaires ont ensuite 30 jours pour demander au CPAS : 

  • de renoncer à la récupération ;
  • ou de demander un étalement de paiement;
  • ou de proposer de payer une contribution alimentaire au demandeur.

Si vos débiteurs alimentaires réagissent dans les 30 jours, le CPAS doit prendre une nouvelle décision, dans un nouveau délai de 30 jours à partir de cette réaction.

Cette nouvelle décision devra être envoyée dans les 8 jours aux débiteurs d’aliments.

Si vos débiteurs alimentaires ne réagissent pas dans la période de 30 jours après l’envoi de la première décision du CPAS, le CPAS envoie d’abord un rappel par courrier.

Enfin, un professionnel (huissier de justice ou société de recouvrement) prend le relais pour faire un recouvrement judiciaire, c’est-à-dire une saisie sur le compte en banque.

IMPORTANT : Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision du CPAS qui dit que vos débiteurs alimentaires doivent vous aider, vous pouvez introduire un recours en justice contre la décision du CPAS.

Vous pouvez contester la décision du CPAS de vous obliger à demander l’aide de vos débiteurs alimentaires ou de récupérer l’aide auprès de vos débiteurs alimentaires devant le tribunal du travail.

 

6) Le CPAS peut-il refuser de m’aider financièrement si je décide de quitter le logement familial pour habiter seul ?

Il existe 2 réponses à cette question : les CPAS ne décident pas tous la même chose et les tribunaux non plus.

/!\ Le droit de prendre son autonomie est lié au droit à la dignité humaine. Assurer la dignité humaine est une des missions du CPAS. Le CPAS doit donc tenir compte votre droit de prendre votre autonomie par rapport à vos parents.

 

Réponse 1

Selon certains CPAS, pour pouvoir prendre votre autonomie et quitter la maison familiale tout en recevant le RI, vous devez prouver des raisons graves qui rendent la cohabitation avec vos parents impossible ou très difficile.

Les CPAS utilisent souvent le terme  « rupture familiale » pour parler des graves avec vos parents.

Ces raisons graves sont appelées « motifs impérieux » par les CPAS.

Selon ces CPAS, si vous n’avez pas de motifs impérieux et que vous n’avez pas assez d’argent pour vivre seule, vous devez rester chez vos parents.

Le CPAS ne vous aidera donc pas et préférera vous renvoyer vers vos débiteurs alimentaires.

 

Exemples :

Motifs insuffisants pour justifier la prise d’autonomieMotifs qui peuvent justifier la prise d’autonomie
● mauvaise entente avec vos parents● la grossesse
● la violence
● le conflit de religion
● les conditions de logement (ex. : pas assez de place pour loger tout le monde décemment)
● les études (ex. : le domicile familial se trouve à 3h de train de l’université)
● le non-respect des choix légitimes de l’étudiant (orientation sexuelle, choix d’études, etc.)
● etc.

 

Réponse 2

D’autres CPAS n’exigent pas que vous prouviez qu’il est impossible de rester chez vos parents.

Ces CPAS acceptent que vous quittiez la maison familiale même si vous n’avez pas les moyens de vivre seule. Selon eux, il n’y a rien dans la loi qui vous impose d’être indépendante financièrement pour pouvoir quitter la maison familiale.

Attention, certains CPAS demandent quand même quelques garanties : vous devez construire un projet d’autonomie pour vous aider à entrer dans le marché du travail.

 

Voici ce que nous vous recommandons

On ne peut pas savoir à l’avance si le CPAS choisira la réponse 1 ou la réponse 2. C’est assez aléatoire.

La jurisprudence est aussi divisée entre les deux réponses.

Par exemple : à Bruxelles, les juges ont tendance à condamner les décisions des CPAS qui exigent des motifs impérieux.

Mais ce n’est pas le cas partout en Belgique. D’autres juges demandent en effet de prouver des motifs impérieux.

Mais il y a une certitude : dès que vous avez des motifs impérieux, vous pouvez quitter le domicile familial sans condition.

Si vous n’avez pas de motifs impérieux, vous pouvez tout de même demander une aide au CPAS, en utilisant les arguments de la réponse 2. Vous pouvez insister sur le fait que la loi fait de l’autonomie une priorité.

Vous pouvez aussi aller voir le CPAS avant de quitter le domicile familial pour expliquer votre situation et votre projet d’autonomie. Cela vous permet de savoir à l’avance ce que pense le CPAS.

 

Références légales

 

  • Articles 3, 4, 26, 27, 28 et 29 de la loi du 26 mai 2002 sur le droit à l’intégration sociale – disponible ici.
  • Article 42 à 55 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l’intégration sociale – disponible ici.

 

Décisions utiles des cours et tribunaux

 

  • Le renvoi vers les débiteurs alimentaires ne peut se faire qu’après une enquête sociale complète et adéquate. Dans un arrêt de la Cour du travail de Mons du 31 août 2006, le juge a relevé qu’il n’y avait eu aucune enquête sociale concernant les capacités financières des débiteurs d’aliment. Il a donc rappelé que le CPAS ne peut renvoyer vers les débiteurs alimentaires qu’après une enquête sociale ayant montré que les débiteurs ont des moyens financiers suffisants et que le renvoie n’entrainerait pas une situation familiale difficile à affronter ou humainement peu supportable. Sur cette base, le juge a accordé au demandeur le RI sans l’obliger à demander une contribution alimentaire auprès de ses débiteurs d’aliments (cour du travail de Mons (7ème chambre), 31 août 2006, R.G. n° 20.076, disponible sur Terra Laboris).

 

  • Motifs impérieux : Si une jeune personne adulte n’a pas d’argent, elle pourra quitter la maison de ses parents pour vivre seule et bénéficier d’une aide du CPAS uniquement s’il existe des raisons graves qui justifient que le fait d’habiter avec ses parents est impossible ou très difficile (cour du travail de Liège, division Liège, 16 mars 2018, R.G. 2017/AL/384, disponible sur Terra Laboris).

 

  • En sens contraire, la cour du travail de Bruxelles a décidé qu’il n’y a rien dans la loi qui impose à la jeune personne adulte d’être indépendante financièrement avant de quitter la maison familiale (cour du travail de Bruxelles, 9 août 2017, 2016.AB.273, disponible sur Terra Laboris).

 

  • Dans la même idée, la Cour du travail de Mons a décidé qu’il ne fallait pas montrer que le maintien de l’étudiante au sein du domicile familial s’avérait impossible et qu’il n’était pas nécessaire de voir s’il y avait une rupture familiale pour des raisons sérieuses pour quitter le domicile familial (cour du travail de Mons, 16 mars 2016, R.G. n° 2015.AM.135, disponible sur Juportal).

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