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Nous sommes réunis aujourd’hui pour parler du travail que nous avons fourni tout au long de cette année à la Street Law Clinic. Cette expérience nous a mises dans le bain de la pratique du droit, qui manque fortement dans nos cursus universitaires. Cette expérience nous a formées au droit de l’aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug. Nous avons mis à profit notre apprentissage pour le mettre au service des étudiants.
Nous avons souvent eu l’impression de nous battre contre un phénomène plus grand que nous, effrayant à bien des égards : la précarité étudiante.
Afin de rendre honneur à notre travail tout en restant fidèles à l’idée de justice sociale qui a sous-tendu la création des cliniques juridiques[1], il nous semblait évident d’axer notre discours sur ce qui se cache derrière la nécessite-même de l’existence d’une clinique sur le droit de l’aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug pour les étudiants : la précarité étudiante et, face à elle, les carences des pouvoirs publics.
La précarité est une notion difficile à définir. Elle peut être définie comme une forte incertitude de conserver ou récupérer une situation acceptable dans un avenir proche. C’est donc une incertitude du lendemain[2], un état fragile, instable. Une des définitions classiques du mot « précaire » est « Qui n’est octroyé, qui ne s’exerce que grâce à une concession, à une permission toujours révocable par celui qui l’a accordée. »[3]. Pour les étudiants, cette définition a tout son sens : la dépendance des étudiants envers les ressourcesLes ressources sont les moyens matériels qui permettent à une personne de vivre. Les ressources peuvent être : • financières (par exemple, les revenus du travail, des dons d’argent, etc.) ; de leurs parents est en elle-même une forme de précarité[4].
Il nous faut tout d’abord faire un constat : la précarité étudiante peut être analysée relativement aux chiffres des PIISLe « PIIS » est le Projet Individualisé d’Intégration Sociale. C’est un contrat conclu entre le CPAS et la personne qui reçoit le revenu d’intégration. Ce contrat contient des obligations pour les étudiants. Ainsi, en décembre 2021, le SPP intégration socialeLe service public fédéral de programmation intégration sociale (SPP Intégration sociale) est un service public belge qui met en œuvre la politique de l’intégration sociale. Il peut par exemple comptait 25.507 PIISLe « PIIS » est le Projet Individualisé d’Intégration Sociale. C’est un contrat conclu entre le CPAS et la personne qui reçoit le revenu d’intégration. Ce contrat contient des obligations étudiant pour 11.521.238 habitants en Belgique. Dans le respect d’une série de conditions, les étudiantes et les étudiants ont droit à un soutien financier et/ou matériel de la part des CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune.. En Belgique, le nombre d’étudiantes et d’étudiants aidés par un CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. a presque triplé en 15 ans : il est passé de 8.913 en janvier 2007 à 25.507 en décembre 2021. Ce chiffre est important. Et pourtant, un nombre important de bénéficiaires potentiels, c’est-à-dire d’étudiantes et d’étudiants dans le besoin, ne perçoit pas ces aides. En sciences sociales, ce phénomène est qualifié de « non-recours aux droits ». En 2017, 5,2% des étudiantEs étaient bénéficiaires du revenu d’intégration.
À Bruxelles plus précisément, 39% des bénéficiaires du RI ont entre 18 et 24 ans.
Pour ce qui est du montant perçu, le RI au taux isoléUne personne isolée est une personne qui : • vit seule dans son logement ; ou • cohabite avec d’autres personnes sans mettre en commun les questions ménagères. Quand on reçoit le revenu d’ est de 1115,67 euros depuis le 1er mai 2022, alors que le seuil de pauvreté en Belgique est de 1287 euros.
Quelles causes trouver à la précarité étudiante ? La première cause est la persistance des inégalités sociales en général. La précarisation des familles a pour conséquence logique l’aggravation de la précarité étudiante[5].
Bien évidemment, en termes de précarité, nous ne sommes pas égaux. La précarité est donc à aborder de manière intersectionnelle : la précarité est d’autant plus violente quand elle s’ajoute à un handicap ou à des discriminations raciales, de genre ou d’orientation sexuelle. Mettons donc en perspective les différents facteurs de discrimination que nous connaissons actuellement dans la population de l’ULB pour comprendre[6] :
En outre, comme l’a souligné Lucas Van Molle, président de la Fédération des étudiants francophones, l’étudiant précaire doit être le secrétaire de sa propre situation : “Il existe un tel éclatement des aides qu’il doit entreprendre des démarches multiples pour, d’une part s’y retrouver dans les aides auxquelles il a droit et, d’autre part, tenter de les obtenir”[7].
Et même si l’étudiant finit par comprendre comment postuler à une aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug, l’obtenir est tout sauf chose aisée. Les CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. jouissent en effet d’un très grand pouvoir d’appréciation pour plusieurs des conditions d’octroi de l’aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug. Certains CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. jugent bon de faire cesser les aides une fois qu’ils estiment que l’étudiant a suffisamment étudié, même si ce « suffisamment » est la BA3. Parfois déconnectés des réalités, ils brisent en plein élan certaines aspirations académiques et mettent en péril la vie professionnelle d’étudiants qui ont besoin d’être solidement formés pour espérer pratiquer le métier qui les fait rêver.
Cette année, un CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. a par exemple refusé d’aider un étudiant que je suivais à financer son master en criminologie à l’ULB, estimant que ce master n’apportait que peu de débouchés supplémentaires et que le bachelier en droit en haute école qu’il venait d’obtenir était suffisant pour trouver un emploi sur le marché du travail.
La condition de « disposition au travail » (suivant directement la jurisprudenceLa jurisprudence est l’ensemble des décisions qui sont rendues par les cours et les tribunaux. Cela permet de comprendre la manière dont le tribunal juge une question juridique. concordante en la matière) pour les étudiants demandeurs est un frein supplémentaire à la réussite du parcours académique. Pourtant on sait que mêler travail et études supérieures diminue nécessairement les chances de réussite et de parcours sans accidents, comme l’indiquent les chiffres de l’OVE cités plus tôt.
Les étudiants demandeurs d’aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug sont ceux à qui l’on demande le plus d’être exemplaires : si tu as les moyens financiers, tu auras droit au choix et à l’erreur jusqu’à atteindre le seuil de non-finançabilité ; si tu n’as pas les moyens suffisants, ton droit au choix dépendra du CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. sur lequel tu tomberas. Tu auras par contre la chance de ne plus devoir rembourser ta bourse en cas d’échec ; merci aux étudiants de la Fédération des étudiants francophones pour leur lutte dans ce domaine[8]. L’aide sociale qu’on consent à fournir aux étudiantEs reste parfois présentée comme un énorme cadeau accordé par notre système pour lequel ils devront souvent payer cher, à la sueur de leur front. Comme le dit très bien Renaud Maes, « l’effort et le talent constituent les deux mythes fondateurs, souvent liés, de la doxa du mérite, ce discours dominant qui ignore les inégalités socioculturelles face à l’enseignement supérieur ».
Qui sommes-nous, pour entraver le libre parcours d’aspirants à une vie meilleure, au seul prétexte que leur précarité ne justifierait pas de les laisser choisir eux-mêmes comment ils agenceront leur avenir ?
Ne vous détrompez pas, nous sommes heureuses et fières d’avoir participé à la Street Law Clinic en droit social cette année. Il nous semble que la clinique a permis de donner une information claire aux étudiantEs qu’elle a aidéEs et que connaître ses droits est le premier pas pour les faire valoir. Nous pensons aussi que l’accompagnement que nous avons tâché de fournir aux étudiantEs leur a probablement permis de se sentir soutenuEs et moins découragéEs face aux difficultés dans lesquelles iels se trouvaient.
Les initiatives telles que la Clinique ne sont pas seulement utiles, elles sont nécessaires. Nécessaire pour affronter la machine administrative. Nécessaire pour cultiver la solidarité et mettre en lien des connaissances juridiques abstraites avec des personnes qui ont des besoins concrets.
Mais ces initiatives ne sont que des palliatifs, certes subsidiés, à une carence des pouvoirs publics de rendre ses institutions efficaces et pleinement accessibles, et d’assurer que les conditions d’octroi de ses aides soient claires.
Une des premiers moteurs d’action de la Street Law Clinic est de lutter pour une plus grande homogénéité des pratiques des CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. dans l’application de la loi. Ces pratiques varient en fonction des communes, et de leurs majorités politiques. Elles ne sont pas pour autant toujours illégales. Parfois, les CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. font usage de la marge d’appréciation qui leur est reconnue en vertu du principe de l’autonomie locale. Mais ces différences de traitement sont à la source d’insécurité juridique. Elles créent par ailleurs des inégalités entre les étudiantes et étudiants qui sont d’autant plus difficilement justifiables que l’aide socialeAide du CPAS pouvant prendre plusieurs formes : soutien financier, logement, assistance médicale, conseils juridiques… Dans le cadre de l’aide sociale, chaque CPAS détermine l’aide qu’il jug est le dernier filet de sécurité.
En outre, le plan de lutte contre la précarité de la Fédération des étudiants francophones, qui est l’aboutissement de plusieurs années de consultation sur le terrain, formule des revendications qu’il nous paraît nécessaires d’appuyer, au vu de notre expérience en tant qu’étudiantEs de la Street Law Clinic :
Ces revendications spécifiques aux CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune. ne sauraient être prises seules. L’action des politiques publiques doit aussi prendre en compte les postes de santé, de précarité menstruelle, de transport, de logement, de bourse d’étudeLa bourse d’étude est une aide financière que l’État paie aux étudiants pour les aider à payer leurs frais d’études. et de coûts d’inscription.
Après avoir travaillé un an à la compréhension de l’accessibilité au CPASCPAS signifie Centre public d’action sociale. Le CPAS est chargé de l’aide sociale en Belgique, pour permettre à tout le monde d’avoir une vie digne. Il y a un CPAS par commune., une question nous hante, et nous aimerions connaitre la position des ministres à ce sujet. Notre question est la suivante : au regard de vos politiques, estimez-vous que l’enseignement supérieur doit être un moyen d’émancipation individuelle ou appuyez-vous au contraire que l’enseignement supérieur doit servir de moyen à la reproduction des inégalités sociales ? Et, surtout, si votre réponse théorique est la première comme nous le suspectons, quelles sont vos propositions pour que notre société évolue effectivement dans cette direction plutôt que dans celle de la persistance des inégalités ?
[1] Site du Réseau des Cliniques Juridiques Francophones : https://www.cliniques-juridiques.org/les-cliniques-juridiques/une-clinique-juridique/ et https://www.cliniques-juridiques.org/revue/volume-3-2019/les-modeles-de-cliniques-juridiques/.
[2] Régis Pierret, « Qu’est-ce que la précarité ? », Socio [En ligne], n° 2, 2013, http://journals.openedition.org/socio/511.
[3] https://www.cnrtl.fr/definition/pr%C3%A9caire.
[4] Julien Scharpé, « D’où provient la précarité étudiante ? », La Revue Nouvelle, vol. 8, n° 8, 2016, pp. 9-12.
[5] Renaud Maes, « Est-ce qu’on ne ferait pas un salaire étudiant? », vidéo réalisée par Le Forum, 2021, https://vimeo.com/656612574.
[6] Observatoire de la vie étudiante de l’ULB, « Enquête sur les ressourcesLes ressources sont les moyens matériels qui permettent à une personne de vivre. Les ressources peuvent être : • financières (par exemple, les revenus du travail, des dons d’argent, etc.) ; économiques des étudiant·es », 2021, https://www.ulb.be/fr/l-ulb-s-engage/ove.
[7] Stéphanie Devlésaver (CBCS), « La précarité étudiante, de quoi parle-t-on ? », Bruxelles Informations Sociales, n° 179, décembre 2021, p. 10.
[8] FEF, « La FEF obtient l’annulation des remboursements des allocations », 2020, https://fef.be/2020/01/16/la-fef-obtient-lannulation-des-remboursements-des-allocations/.
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